« Tu te rends compte que t’as complètement vrillé la tête de ta stagiaire ? »

Quelques temps après la fin de son stage de six mois à mes cotés et tandis que je passais leur rendre visite : mes parents me demandent ce que devient Julie. Ils l’avaient rencontrée au tout début de sa période avec moi. Avec le sourire, et peut-être même une pointe de fierté, je leur annonce qu’elle a choisi de servir l’armée de l’air en tant qu’officier communication, pour un an. Un métier de communicante auquel ses études la destinaient, après tout !

J’entends alors mon père me répondre vertement que je l’aurai dévoyée. Ils avaient eu l’occasion de papoter ensemble, et elle lui avait bien dit qu’elle n’était pas spécialement intéressée par l’armée ! La critique est violente, mais le franc-parler paternel a ses mérites : il laisse peu de place à l’interprétation.

Les 600 km de trajet retour vers mon atelier seront propices à la réflexion sur le sujet : que transmet-on à ces jeunes pousses ? Qu’ils soient nos enfants, nos élèves, nos stagiaires.. Est-ce que, malgré moi, j’aurai pu plaquer mes rêves, mes désirs, mes souhaits sur celle qui m’a offert six mois de sa jeune existence ? Et ce faisant je les aurai substitués à ses propres rêves et désirs ? Évidemment, j’essaie d’inspirer mes jeunes, de leur prouver qu’avec ce qu’il faut de travail et d’engagement de leur part, ils peuvent être tout ce qu’ils souhaitent, faire tout ce qu’ils veulent… Mais peut-être cela n’est-il pas perçu ainsi, peut-être qu’en pensant les aider à se détacher de pensées limitantes, je ne fais que leur imposer les miennes.
Je finis par me dire qu’il faudra surtout que j’évoque le sujet avec Julie et d’anciens stagiaires, à l’occasion.

Cinq heures de route plus tard, j’arrive à mon atelier et très mécaniquement, j’allume mon ordinateur. Dans ma messagerie, le mot d’un autre papa m’attendait. Celui de Julie, qui avait assisté à la cérémonie de sortie de classes de sa fille et voulait partager avec moi cette impression d’avoir trouvé son enfant à sa juste place, fière et heureuse d’être là… Alors j’ai mis de coté mes interrogations et décidé que si elle était heureuse à sa place, à ce moment, c’était bien le plus important !
[Ref:3023-12-0497 Équipes de présentation de l’Armée de l’Air] sandrachenugodefroy.com © 2023

[ + VOIR LE POST ]