J’ai organisé tout un reportage avec la STELD du 1er RI juste pour cette photo ! Et comme ça aurait été trop facile de les rejoindre à Sarrebourg, au régiment, j’ai rejoint la section de tireurs d’élite pour une de leurs campagnes de tir au camp de Caylus.
Le moins qu’on puisse dire c’est que j’ai été très bien accueillie -même si certains ont fait de mignonnes brimades à Tigrou, qui s’est retrouvé hissé au mat des couleurs, et s’est bien vengé ensuite-. J’ai donc documenté les quelques jours de la campagne de tir qu’il m’a été donné de suivre: les footings avec le matériel sur le dos, la pesée des cartouches, le tir Hécate, FRF2, FAMAS, les progressions… et surtout, le tir de nuit !
Si vous avez l’habitude de lire ces colonnes, vous savez sans-doute que j’aime faire des photos de nuit (et j’ai de la chance, j’ai des clients qui aiment me faire travailler la nuit!) Notamment au tout début de la nuit pendant la fameuse « heure bleue » chère aux photographes de paysage. Mais là, mon objectif était nettement plus terre-à-terre (et fun!) je souhaitais immortaliser les gaz enflammés qui projettent la balle à plusieurs centaines de mètres (appelez ça un petit plaisir de photographe techno-geek si vous voulez). Problème: cette combustion est -hyper- fugace, elle n’émet donc que très peu de lumière, trop peu pour être bien visible le jour. Solution : travailler avec nettement moins de lumière ambiante, par exemple, de nuit.
Voilà donc la raison du tir de nuit, pourquoi au Hécate ? Parce que ce fusil est français qu’il a une bonne gueule et que les TE l’aiment beaucoup ? Oui, aussi, mais surtout parce qu’en en parlant avec quelques tireurs, on m’a vendu le Hécate comme étant « un bon client coté flammes qui sortent du frein de bouche ». Il restait donc à organiser ma prise de vue, avec la complicité de la STELD, mais dans le souhait d’impacter au minimum leur entraînement: ils se préparaient pour un challenge de TE quelques semaines plus tard et il n’était pas question de nuire à leurs résultats (qui furent fort bons: bien joué!).
Comme à chaque fois qu’il s’agit de tir, la première contrainte qui m’est imposée est celle de la sécurité (la mienne, celle du tireur, du matériel): je poserai donc mon boitier sur un trépied devant les fusils (mais pas dans l’axe, quand même!) je choisis mon cadre et je me munis d’une télécommande qui me permettra de déclencher mon appareil à distance, sans être moi-même dans la zone de danger.
Je choisis ensuite mes paramètres d’exposition à l’aveugle, en anticipant les conditions de lumières qui seront celles du tir. C’est pas forcément simple, mais quand les calculs sont bien faits, le résultat est chouette !
Ici par exemple, mon objectif est d’avoir un temps de pause « un petit peu long pour être sûr d’avoir le tir alors que je ne sais pas précisément quand le TE déclenche » mais « pas trop long sinon la photo ne sera pas nette parce que même si il bouge peu, le tireur bouge » sans oublier « suffisant pour faire rentrer de la lumière ambiante et éviter que la photo soit noire sur 95% de sa surface ». D’un autre coté, il ne faut pas que les très ponctuels gaz enflammés « brûlent » mes blancs puisque bien trop lumineux pour mon capteur: donc je choisis une sensibilité ISO minimale, c’est souvent le cas quand je travaille sur pied, pour avoir peu de bruit, mais aussi, ici, pour éviter une surexposition des flammes. Je me décide donc pour un trio 4 secondes à 200 ISO et un diaphragme à pleine ouverture.
EXIF | Appareil: Canon EOS 5D Mark III | Date: 31/05/2017 | Focale: 40mm | ISO: 200 | Ouverture: ƒ/2.8 | Vitesse: 4s | Copyright: Sandra Chenu Godefroy - Photographe d'action |
Et ensuite j’attends, sans possibilité de vérifier mes photos ou de modifier mes réglages jusqu’à la fin du tir en cours ! Bon d’accord il s’agissait tout au plus de tirer une dizaine de cartouches, mais comme il s’agit de tir de précision, les tireurs prennent leur temps, et je n’ai pas d’autre choix que de prendre mon mal en patience. Pendant ce temps, j’observe: l’intensificateur de lumière qui est dans leur viseur positionne une tache lumineuse sur l’œil du tireur, et j’espère qu’elle n’est pas trop ténue pour être immortalisée par mon 5D. Au final après de bien longues minutes d’attente, je découvre mes photos, en tout petit sur la vitre arrière de mon boitier. Elles sont trop petites pour que j’en vérifier la netteté, mais je vois déjà mon exposition, qui apparaît correcte… et les volutes de flammes qui sortent de la bouche du canon, mission réussie !!