Des photographes m’ont interrogée dernièrement sur le fait qu’après tout le temps passé pour l’Union de Photographes Professionnels ces trois dernières années, je ne me re-présente pourtant pas aux prochaines élections au conseil d’administration. La raison en est pourtant simple: après 3 ans passés à m’investir en moyenne 35h/semaine de façon absolument bénévole pour l’association (tout au plus ai-je demandé à me faire rembourser 50% de mon Navigo durant 9 mois quand, secrétaire générale, je passais 2 jours/semaine à la maison des photographes) je fais le choix de consacrer ce temps et cette énergie à d’autres projets.
Mais c’est aussi l’occasion de dresser le bilan de ces 3 années, ne serai-ce que par respect pour les adhérents qui ont fait le choix il y a 3 ans de m’élire à ces fonctions..
Une forme de bilan de ces années
Ceux qui me connaissent bien savent que rien ne va jamais assez vite, assez loin, assez bien à mes yeux, mais tout de même, quand je regarde dans les rétroviseurs, malgré mes regrets de « pas assez » j’ai quand même quelques belles réalisations à mon actif !
3 ans de réunions: une dizaine au ministère de la Culture, 1 an de représentation de l’association au sein du Conseil Permanent des Ecrivains, des rendez-vous et rencontres avec des sociétés de services pour photographes plus ou moins respectueuses de ceux-ci. Toujours pour expliquer, faire entendre la voix des photographes et les défendre.
3 ans d’intervention en école de photo: des interventions avec la commission AdRec (que je vous invite à rejoindre !), élaborer un vrai plan d’intervention et un support moderne qui permette à ces interventions d’être dupliquées et homogènes malgré des intervenants différents.
3 ans de conférences: au congrès de l’UPP, au salon de la photo 2018 et 2019, en soirée UPP et même en région. En gardant toujours la même idée en tête, diffuser l’information professionnelle au plus grand nombre de photographes… sur des thématiques essentiellement business, marketing et règlementaires qui ne plaisent pas trop « aux artistes » c’est vrai, mais toujours avec de très chouettes retours du public !
Un dossier douloureux mais nécéssaire: la modernisation du site internet de l’UPP. Cela répondait à une vraie demande, plus d’un millier d’emails échangés, un nombre indénombrables d’heures passées au téléphone avec Yann et Nedim, des réunions à n’en plus finir avec le prestataire… Alors certes son contenu nécessite encore d’être étoffé, mais sa structure est là, avec sa boutique en ligne, son adhésion en ligne, son moteur de recherche, et il appartient à ceux qui prendront sa suite !
Plein, plein, plein de paperasse, malgré mon désamour profond pour ça: des dossiers de demande de financement auprès de la SAIF et du ministère de la Culture, des recherches de partenariats, la remise à jour des articles « pro » du site internet, et puisque personne ne voulait le faire, c’est à la secrétaire générale que j’étais que le bébé est revenu !
Les dossiers juridiques de l’UPP, j’ai commencé par 11 rendez-vous (!) avec des avocats pour négocier des avantages pour les adhérents UPP et me familiariser avec leur monde, la récupération d’anciens documents juridiques perdus lors des cambriolages (auprès de Philippe Roy notamment: merci) et des dizaines d’emails envoyés à la DGFIP, à l’AGESSA.
Consciente de l’ampleur du dossier « juridique », j’ai ensuite insisté lourdement auprès du CA pour que l’UPP ait a nouveau un poste de juriste et un seul poste administration/communication dès le départ de Laurie. Il a fallu attendre celui de Sonia pour obtenir gain de cause, mais force est de constater que Stéphanie fournit aujourd’hui une masse de travail considérable et apporte un réel conseil à nos adhérents sur ces dossiers compliqués.
L’organisation à la mairie du 10ème de deux congrès de l’Union des Photographes Professionnels, en 2018 avec Nedim et Sonia et en 2019 avec Pierre Morel, Lucie et Stéphanie. Et vous n’imaginez pas tout le travail qu’il y a en amont de ces conférences, ces tables rondes, les lectures de portfolio organisées gratuitement au profit de tous les photographes adhérents ou non !
Des calculateurs de tarifs qui soient complémentaires des barèmes indicatifs de l’UPP pour permettre aux photographes de vendre leurs prestations à un prix juste.
et enfin plein de séances de travail en petit comité, d’échanges de mails, de coups de fil. Travailler ensemble était un apprentissage pour la farouche indépendante que je suis, et c’était génial ! Des têtes-à-tête « com' » avec Sonia puis avec Stéphanie, qui ont abouti à la refonte de la charte graphique pour une homogénéisation de la communication UPP (logo, kakemono, etc.) et a une nouvelle forme de communication sur les réseaux sociaux. Des réunions plus ou moins formelles avec Emilie, Julien, Pierre et Nedim (la commission AdRec, assurément la meilleure commission de l’UPP ^_^ en toute non-objectivité!) le partage des idées et du travail dans la bienveillance et le respect de chacun !
Le moins qu’on puisse dire, donc, c’est que ce passage à l’UPP a été une expérience ! Mais il y a d’autres choses à en dire et je vous invite à les lire dans cette seconde partie.
Les plus observateurs parmi vous commencent à me faire remarquer que je recommence à passer beaucoup de temps dans le sillage de voilures tournantes ces temps-ci, et c’est bien le cas ! Vous devriez en savoir plus très bientôt, 2019 touche à sa fin et l’année 2020 s’annonce passionnante… d’ici là, en effet, je passe une partie de mon temps conséquente (mais hélas, pas assez à faire des photos) sur des DZ et des bases aériennes. Et parfois, quand je lis les communiqués de presse qui me sont envoyés, je me décide à aller passer un moment dans l’Est pour suivre l’édition 2019 de l’exercice BACCARAT organisé par la 4ème BAC
Avec les pumas du 3ème RHC
Pour cette journée -une parmi les 10 jours que comptent le scénario de l’exercice- j’accompagnerai un Puma du 3ème RHC qui a pour mission d’aller récupérer des légionnaires de la 13ème DBLE qui ont bivouaqué en campagne et de les redéposer dans un autre endroit. Au menu un aller « tactique »: plutôt bas et à forte vitesse donc, puis un vol en patrouille avec un autre Puma, un Caïman et deux Chinook espagnols; sous la protection plus lointaine des Tigres et Gazelles chargés d’assurer la sécurité des hélicoptères de manœuvre.
Ce second vol me permettra de me commettre dans cette branche à part entière de la photo aéro qu’est la prise de vue air-to-air. Il faut dire ce qui est: en matière de photo air-to-air, il y a un maître incontesté, « Katsu » Tokunaga qui tient le haut du pavé depuis de très longues années, et personne d’autre pour arriver à son niveau de maîtrise technique, de rigueur, de créativité et… d’esprit japonais !
En ce qui me concerne, mon truc n’étant pas « les machines » en soi, mais plutôt « les gens » qui utilisent les machines, l’exercice n’était pas habituel. Mais grâce aux directives du journaliste du magazine Air Fan qui était à bord, et qui -lui- les voulait vraiment, ses photos d’hélico en vol, les hélicoptères de la patrouille ont volé de façon relativement « photographer friendly » et m’ont permis de faire quelques clichés ! J’espère qu’ils vous plairont… et j’ai hâte de retourner au « régiment de la nuit » pour faire des photos plus proches de mon travail de photographe, et de nuit ! 😉
Communication par geste du pilote et du MOS au démarrage des moteurs [Ref:3219-24-1032]
Légionnaire de la 13e DBLE à bord d’un SA 330 Puma [Ref:3219-24-0466]
Puma du 3eRHC et CH47 Chinook des FAMET espagnoles [Ref:3219-24-0539]
En arrivant au DAG (Détachement Aérien de la Gendarmerie) de Modane vendredi matin, Alain, le pilote, m’annonce la couleur « Briançon fait ses 100 heures aujourd’hui, leur hélico sera indispo toute la journée, il est pas impossible qu’on vole dans les Hautes-Alpes ». La continuité des secours s’affranchit régulièrement des limites départementales en fonction de l’urgence de l’alerte et des disponibilités/délais d’arrivée des différents hélicoptères à proximité, mais à priori, l’hélicoptère de Savoie intervenant dans le massif des Ecrins n’est pas une chose courante… Affaire à suivre, donc!
Il faudra attendre le début d’après-midi pour qu’une première alerte venue des Hautes-Alpes retentisse à Modane. Après une grosse dizaine de minutes de vol depuis la Maurienne -de l’avantage de pouvoir s’affranchir du relief montagneux- cette alerte emmènera Choucas 73 voler d’abord au dessus des Agneaux puis du glacier Blanc: l’occasion pour moi de réaliser quelques belles images ! Les interventions dans le 05 s’enchaînent, obligeant l’hélicoptère savoyard à aller refaire le plein au DAG de Briançon. Et effectivement, arrivés sur la DZ, l’équipage de Choucas 73 croisera les mécaniciens de Briançon à l’œuvre dans le hangar de Choucas 05 pour la visite périodique de l’hélicoptère. Quelques heures plus tard, la visite n’ayant pas révélé de problèmes particuliers sur la cellule ou les moteurs, Briançon reprendra son alerte et Choucas 73 rentrera à Modane… laissant quelques beaux souvenirs aux secouristes CRS des Alpes treuillés dans les Ecrins !
L’hélicoptère Choucas 73 au dessus du glacier Blanc
Alain, pilote de l’hélicoptère Choucas 73 de la gendarmerie
EC145 de la gendarmerie au coucher du soleil dans les Ecrins
Depuis tout ce temps, je n’avais jamais eu l’occasion de suivre les répétitions du défilé motorisé à Brétigny. Il faut tout de même dire que Brétigny, c’est vraiment loin de tout ! Mais, qu’à cela ne tienne, je voulais vraiment savoir à quoi pouvait ressembler pour les troupes motorisées une journée de répétitions sous le soleil de cette ancienne base aérienne !
Alors j’ai mis un réveil, pour assister -à partir de 6 heures- au petit déjeuner des troupes qui ont dormi sous des tentes sous les fameux hangars chargés d’histoire aéronautique de Brétigny ! Les véhicules du défilé restent en place sur la piste des répétitions chaque nuit. Ce sont les militaires qui les rejoignent en bus depuis les hangars vie, remontent les antennes, mettent en place le matériel radio et l’armement puis attendent le top départ du défilé. Au top du général supervisant le défilé, ils descendent la piste, se remettent en place, attendent le debriefing de leurs chefs et recommencent. Pendant la journée, je suivrai les marsouins du Régiment de marche du Tchad, le régiment n’a pas défilé sur les champs Elysées depuis plus de 10 ans, alors pour la plupart de ses hommes, c’est une première !
Le jour J, il s’agira pour les pilotes de VBCI de descendre la plus belle avenue du monde a exactement 14 kilomètres/heure puisque juste au dessus, la boîte automatique du blindé passe sa vitesse ! Durant 7 minutes, jusqu’à l’éclatement devant la tribune présidentielle, il faudra rester parfaitement aligné avec les autres blindés, alors toute la semaine précédant le défilé sera consacrée aux répétitions pour permettre de régler… jusqu’aux moindres détails.
Un marsouin du RMT installe les antennes de son VBCI avant la première répétition [Ref:4519-20-0146]
Petit-déjeuner des militaires qui vont défiler le 14 juillet [Ref:4519-20-0047]
Militaire du rang ajustant son képi à l’arrière d’un VBCI [Ref:4519-20-0738]
Pilote de VBCI du Régiment de marche du Tchad lors des répétitions à Brétigny du défilé du 14 juillet 2019 [Ref:4519-20-0210]
Sacerdoce (n.m) Se dit au figuré d’une fonction qui présente un caractère quasi religieux en raison du dévouement qu’elle exige.
J’intervenais il y a quelques temps au sein d’une école de formation d’infirmières, dans le cadre d’un séminaire sur l’intervention des secours en situation de crise. Séminaire où, assez évidemment, je me suis retrouvée à devoir camper « le mauvais rôle » celui de ces journalistes qui veulent tout voir, être partout, faire leurs images… le plus souvent sans grande considération pour les soins, les soignants… ou les victimes. J’avais conclu mon intervention en expliquant à mes interlocuteurs que j’étais et nous autres journalistes étions « un mal nécessaire ». Certes, nous compliquions leur action, mais nous en étions aussi les témoins. Pour leur donner une place -méritée- dans l’actualité médiatique du moment, mais aussi -et surtout- pour l’histoire. Pour cette histoire bien plus grande que chacun d’entre nous, à laquelle chacun d’entre nous prend pourtant sa part, celle de ces hommes et femmes du XXIème siècle, qui ont été là par je ne sais quel concours de circonstances, qui ont été victimes, ont porté secours, ont protégé… Qu’à ce titre, laisser des journalistes faire leur travail, ça n’était pas seulement un devoir imposé par leurs chefs dans un pays démocratique aujourd’hui, mais aussi un besoin à plus long terme pour laisser un témoignage pour les générations futures.
J’ai donc développé mon point de vue à ces jeunes infirmières, m’incitant ainsi sur le trajet du retour à faire le lien entre cette intime conviction et la violence verbale et physique, à laquelle j’avais le douloureux déplaisir d’être confrontée chaque nouveau samedi de manifestation gilets jaunes et qui me valait d’entendre sans cesse la même question:
« Pourquoi les photojournalistes couvrent-ils ces manifestations des gilets jaunes? »
Soyons honnêtes deux minutes, les photographes qui vont faire des images dans ces conditions ne font pas ça pour l’argent.
Ils sont en majorité pigistes, indépendants donc. Si certains ont la chance d’avoir décroché une commande (pour une petite centaine d’euros au mieux, je rappelle que l’arrêté qui fixe un tarif minimum de pige leur prévoit une rémunération de 60 euros pour 5 heures de travail), l’immense majorité n’ont même pas cette garantie, ils prennent des photos -et des risques- sur place, qu’ils essaieront de vendre eux-même ensuite pour essayer de gagner un peu d’argent (sachant que les agences filiaires seront de toutes façons plus rapides et que le milieu est très concurrentiel).
Si ils ne le font pas pour l’argent, on comprendra assez vite qu’ils ne le font pas spécialement non plus pour la considération d’autrui.
Les manifestants ne les aiment pas (« connard de BFMTV » est l’expression la plus entendue sur place), les forces de l’ordre ne les portent pas spécialement dans leur cœur non plus, les patrons de presse les méprisent (selon le dicton populaire qui veut que « loin des yeux loin du cœur ») et l’Etat… et bien il a fait passer un décret déclarant que rémunérer 60 euros un photographe pour une pige de 5 heures était un tarif honnête… Autant dire que coté respect, ça la pose là.
Si on admet aussi que les journalistes ne peuvent décemment pas TOUS être masochistes,
… Et donc se rendre en manifestation gilets jaunes juste pour le plaisir de se faire malmener, la question du pourquoi être là reste entière. Et je pense que la réponse à cette question devient alors propre aux valeurs morales de chacun de ces hommes et femmes qui ont choisi le métier de journaliste. D’une façon ou d’une autre, on est là « parce que c’est important d’être là » pour des raisons qui nous sont très personnelles. Et ce sont elles qui nous « tiennent » même dans les coups durs.
Gendarmes mobiles de l’EGM 21/2 tenant leur ligne face à des manifestants [Ref:1418-21-0124]
En ce qui me concerne: je suis là, pour témoigner de l’histoire de ces gens, en dépit de leur indifférence, de leur mépris ou de leur agressivité pour ce que je suis.
Je suis là, non pas pour me mettre en scène et publier en live sur les réseaux sociaux ma toute petite histoire personnelle de ce que j’ai vu ce jour-là en manif (qui forcément ne sera qu’anecdotique, vite consommée vite oubliée). Non je suis là pour que demain, des historiens, des sociologues, aient de la matière pour raconter à nos enfants ce qui s’est passé, pourquoi et comment ça s’est passé, et qui étaient ces gens qui se faisaient face. Tout cela ne me rendra ni riche ni respectable, mais à mon humble niveau ça me semble être une histoire importante à raconter.
PS: Et rien ni personne, fut-il nettement plus costaud que moi, patibulaire, heureux propriétaire d’un gilet fluo ou dépositaire de la force publique, ne pourra m’empêcher de continuer à faire ce travail, si je le souhaite, comme je le souhaite… C’est un des douloureux inconvénients quand on ne vit pas sous un régime autoritaire: la démocratie préserve les droits de la presse, car la presse préserve la démocratie.
Vélo et gilet jaune stationné dans une rue lors des manifestations gilets jaunes
Black block revêtu d’un gilet jaune jetant un pavé sur les forces de l’ordre lors de l’acte 3 des manifestations gilets jaunes
Gilet jaune brandissant le drapeau français devant une rue barrée par des CRS
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