Nous sommes en 2008 et j’ai la chance d’embarquer à Villacoublay dans un hélicoptère EC145 de la gendarmerie pour un vol dans le ciel parisien. Il fait nuit noire et je sais avant même d’embarquer dans l’appareil que ma photo idéale sera très compliquée à réaliser.
Pour pouvoir travailler je suis obliger d’opter pour le maximum de la sensibilité ISO disponible sur un appareil photo numérique de l’époque (3200 ISO!). Je suis dans un hélicoptère qui vibre de partout, et pour couronner le tout: je suis interdite d’utilisation de flash pour cause de JVN (les intensificateurs de lumière portés par l’équipage pour ce type de vol de nuit). Je savais que cette photo était « technique », j’en avais soigneusement planifié la composition sur le papier: avec un temps de pause d’1/3 de seconde pour avoir assez de lumière pour enregistrer une image, c’est sa réalisation qui fut un véritable challenge : il m’a fallu cadrer au 14mm au jugé et maintenir mon appareil photo en phase avec les vibrations de la cabine de l’hélicoptère pour obtenir un résultat assez net !
J’ai du réfléchir a un protocole me permettant de sauvegarder mes images, de la façon la plus automatisée possible (l’homme est faillible, la machine -un peu- moins) et de façon redondante pour limiter le risque de perdre des données. Grâce aux évolutions de l’informatique, à la démocratisation de certains systèmes et à la diminution des coûts de supports de stockage ces dernières années, cette étape est celle qui a le plus évolué dans mon process photo ! Cet article est donc celui qui risque le plus de « dater » je l’écris aujourd’hui en 2021, il est probable que dans 2 ou 3 ans je ne l’applique déjà plus !
Etape 3 : La sauvegarde des fichiers
Je vous épargne les multiples systèmes par lesquels je suis passée, aujourd’hui, je conserve tous mes fichiers photos sur un NAS de 4 disques (un Synology DS418 monté en RAID 5) situé dans mon bureau et vers lequel mes photos se sauvegardent quasi-automatiquement tous les jours (dés lors que je suis à mon bureau) et qui me garantit de pouvoir reconstituer mes données si jamais un des disques durs venait à défaillir. A rythme régulier, je réalise des sauvegardes manuelles du contenu de celui-ci, vers des disques-durs externes.
Sauf que je ne vis pas en théorie, je suis photographe de reportage
Ça c’est la théorie, et c’est beau tellement c’est simple, sauf que… je ne vis pas en théorie, je suis photographe de reportage. Même si la Covid m’a conduit a redécouvrir que j’avais un bureau et ce que c’était d’y passer des journées… 100% de ma production photo est réalisée hors de ce bureau ou de mon atelier ! Certes, certains de mes reportages me permettent de rentrer chez moi le soir, de décharger mes photos sur mon ordinateur connecté à mon NAS, mais ça n’est clairement pas la majorité du genre ! #CommeLesPoissonsVolants
Il me faut donc une solution qui me permette de travailler hors du bureau aussi bien que dedans, évidemment, le NAS ne voyagera pas. En revanche l’ordi, lui, peut-être conçu pour ça ! Comme je me commets parfois à faire de la vidéo, il me faut un ordinateur portable qui a un peu de puissance et du répondant. N’étant absolument pas capée pour définir quelles specs techniques se rangent derrière mes exigences pratico-pratiques, je fais appel à la bande de joyeux ingénieurs-informatichiens de mon réseau pour savoir ce qu’il me faut… et je suis leurs recommandations, béatement. La dernière fois que je l’ai remplacé, j’ai opté pour un Dell 7390 avec un SSD (après avoir dû vendre un rein pour acheter ce bijou, n’étant pas d’un naturel très patient quand il s’agit d’informatique, je n’étais plus à ça près).
Quand je suis au bureau, je pose l’ordi sur sa station de travail, il est connecté à ma tablette graphique, au NAS et à ma box web en filiaire ce qui me garantit un flux de travail rapide et efficace. Quand je suis hors du bureau, la batterie m’offre une belle autonomie, son disque dur spacieux me permet d’y vider mes cartes mémoire, et j’emporte avec moi un petit disque dur externe pour les sauvegardes « sur le terrain » (et je prévois un stock conséquent de cartes mémoire de bonne capacité pour éviter d’avoir à les effacer durant la totalité du reportage: mes photos sont donc en 3 points, sur la carte, sur le disque de l’ordinateur portable et sur le disque dur externe).
Quand je vais rester plusieurs jours en reportage avec un point « en dur » et un accès au courant électrique, j’emporte mon chargeur électrique (et une multiprise: la multiprise c’est la vie!) et ma petite tablette graphique (ça n’est peut-être pas la vie, mais sans elle c’est quand même la souffrance !) et ce système me permet alors de durer indéfiniment ! De retour au bureau, dès que l’ordinateur sera connecté à sa station de travail (elle même connectée en permanence au NAS), automatiquement à 18 heures, l’ordinateur recopiera le contenu de ses dossiers photos vers l’espace dédié de mon NAS grâce à un logiciel de synchronisation paramétré en fonction de mes besoins (SyncBackSE dans mon cas, il en existe plein d’autres, je crois que même Synology a une fonction de ce type en natif, juste que j’ai mes habitudes et mes petites règles toutes faites sur Syncback donc je continue avec !)
Automatiquement à 18 heures, l’ordinateur recopiera le contenu de ses dossiers photos vers l’espace dédié de mon NAS grâce à un logiciel de synchronisation paramétré en fonction de mes besoins
Manuellement en revanche, tous les trimestres environ (je fais ça en même temps que les opérations relou de compta/TVA ça n’est que du temps machine et moi je trie mes facturettes à coté), je recopie la dernière version des dossiers photo les plus récents de mon NAS sur un DD externe que je vais échanger avec un autre d’exactement la même capacité stocké à mon atelier (mon bureau et mon atelier ne sont pas au même endroit ce qui me permet donc de limiter le risque incendie/cambriolage sur ces données)
Mais cela ne répond qu’en partie à mes impératifs, en effet, si ce système me garantit la sauvegarde de mes fichiers avec un assez bon degré de sécurité, ce système ne me permet absolument pas de savoir ce qu’il y a dans chaque fichier, et donc de retrouver le « portrait d’une jeune femme portant la tarte des troupes de montagne sur les champs Élysées un matin de 14 juillet ». Cela fera l’objet d’un dernier article, consacré à l’indexation des photos et à leurs métadonnées. #ToBeContinued
PS: Et pour ceux qui se demanderaient pourquoi je ne parle pas de Cloud ou de sauvegarde en ligne, regardez encore mon domaine de production photographique et les sujets que je traite, vous comprendrez alors qu’il n’est pas question que ces fichiers soient stockés sur des serveurs à l’extérieur du territoire français (ce qui est quasiment toujours le cas -même chez Orange Pro #FYI#Baltringues) et qu’en plus de ce petit souci de souveraineté, il serait très ennuyeux que des pirates mal intentionnés puissent trouver mes photos originales non-floutées de personnes dont l’anonymat est garanti, par exemple. Le meilleur moyen d’assurer la non-compromission de ces données étant de limiter au maximum leur flux « en ligne », les solutions online ne sont donc pas du tout adaptées à mes besoins (de plus il s’agirait de stocker 10To de photos à cette heure 1/ les mettre en ligne prendrait du temps 2/ cela représenterait un budget conséquent de stockage annuel à comparer aux 1500 euros de ma solution NAS + disques internes + doublé de disques externes)
6 heures du matin, la doc’ de Réa entame la dernière de ses 24 heures de garde en remettant un de ses patients à une équipe chargée de le transporter en TGV médicalisé vers la Bretagne pour libérer de la place dans les hôpitaux parisiens. Tandis qu’elle fait ses transmission a des silhouettes inconnues en tenue de protection intégrale, la plus petite l’interpelle: il s’agit d’une de ses collègues médecin urgentiste, travaillant habituellement l’étage en dessous !
EXIF | Credit: Sandra Chenu Godefroy | Appareil: Canon EOS 5D Mark III | Date: 05/04/2020 | Focale: 50mm | ISO: 1600 | Ouverture: ƒ/1.4 | Vitesse: 1/800s |
Pour mon reportage à l’hôpital Bégin durant la première vague de l’épidémie de Covid19, j’ai fait le choix de ne travailler qu’avec deux optiques toutes petites et très similaires: un 50mm et un 40mm pancake. Il est vrai que d’habitude, j’aime employer aussi bien les grand-angles que les gros téléobjectifs, pour isoler un détail, pour construire une perspective, pour mettre du peps ou de la profondeur. Mais ce sont des optiques encombrantes, et pour ce reportage-là, je ne voulais pas être remarquée, un seul boitier avec un petit objectif à bout de bras passe plus facilement inaperçu qu’un énorme sac photo ! *et ça fait moins de boulot à désinfecter* Utiliser une optique standard, cela correspondait aussi à la forme de regard que je voulais avoir sur cette réalité de l’hôpital dans laquelle je me suis immergée: à hauteur d’homme (de femme plutôt), en lumière naturelle et en toute simplicité ! On a pas toujours besoin d’une débauche de matos, et clairement, vu le sujet traité le 50mm /1,4 était l’optique parfaite !
A l’heure de la photo numérique : comment ranger ses petites affaires ?
( … et y retrouver ses petits ! )
Vous arrivez probablement ici après avoir lu la première partie de cet article dédié à la sauvegarde de votre plus précieux capital en tant que photographe: vos photos elles-mêmes, si ça n’est pas le cas, allez-y jeter un œil, j’y parle nomenclature d’images, pourquoi et comment faire. Je suis donc à la tête de 300K fichiers images numérotés de façon unique, c’est bien, mais ça n’est pas suffisant: il faut définir comment les ranger et comment les sauvegarder.
Étape 2 : Ranger ses photos dans des dossiers
Comment les ranger, depuis 10 ans déjà, j’ai arrêté les classement dans des dossiers aux noms originaux (« 2012_vacances_a_la_plage ») pour utiliser exclusivement la fonction « logique » de Lightroom qui permet de sauvegarder automatiquement vos photos dans des dossiers nommés en fonction de la date de prise de vue. Je crois que j’utilise le réglage par défaut de celui-ci d’ailleurs, qui crée un dossier année (« 2012 ») et insère un sous-dossier à l’intérieur pour chaque jour de prise de vue (« 2012-02-08 ») et enregistrera toutes les photos du jour dans ce sous-dossier. De cette façon, pas d’entorse au protocole, tout le monde est soumis à la même règle et… cela me permettra d’automatiser les sauvegardes de mes précieuses images !
Certes, cela implique que les photos d’un reportage sur plusieurs jours ne soient pas rassemblées dans le même dossier sur mon explorateur de fichiers windows. Cela ne me dérange pas particulièrement, ce ne sont jamais que des dossiers d’archive et je ne recherche jamais d’image par le biais de l’explorateur de fichiers (qui n’est pas fait pour ça, même si il s’est amélioré).
Il y a un point de vigilance à garder en tête quand on emploie ce protocole: le décalage horaire ! Il m’arrive de partir en reportage à l’autre bout du monde, dans ces cas là il devient impératif, en arrivant à sa destination, de changer l’horaire des ses boitiers pour correspondre à l’heure locale, sans quoi vos photos d’une même journée seront enregistrées à cheval sur 2 dossiers. Certes, ça n’arrive pas si souvent, mais j’ai un souvenir de très gros mal de crâne quand à Reno, après une dizaine de jours de photos sur place, j’ai eu un crash de disque dur, qu’il a fallu récupérer ce qui était possible entre diverses cartes mémoires, plusieurs ordi et reconstituer l’ensemble de mes photos avec des dates fantaisistes. Quand tout se passe bien, tout va bien, même avec des photos enregistrées à cheval sur 2 dossiers, mais évidemment, comme les emmerdes volent en escadrilles, pour vous ôter ce soucis supplémentaire: maintenez vos boitiers photos à l’heure locale !
Je peux d’autant plus facilement adopter un système de dossiers et sous-dossiers purement logique (et pas du tout intuitif) que Lightroom a cette merveilleuse fonction dite des collections virtuelles (et des ensembles de collection). Au sein du logiciel de catalogage donc, je crée des ensembles de collection par année (« 2012 ») ou par grand projet (j’ai un ensemble « Sentinelles » et un autre « Covid19 ») puis au sein des ces ensembles, je créée d’autres sous-ensembles par reportage (« 2012/02 Svalbard 78N ») en prenant soin de les nommer avec en premier l’année de reportage puis un numéro d’ordre pour que les sous-ensembles soient disposés par ordre chronologique.
Je créée des ensembles de collection par année, qui rassemblent un (sous-)ensemble par reportage de l’année
Dans le « dossier » de chaque reportage
Entendez par là « à l’intérieur de ces ensembles de collection correspondant à chaque reportage » je crée au minimum 3 collections virtuelles(notez la nuance: les « ensembles de collection » ne peuvent PAS contenir de photos, et les « collections virtuelles » ne peuvent PAS contenir d’autre collection ou ensemble de collection, vous avez donc besoin des deux !) :
– la première s’appelle « Toutes les images » -ce qui me semble assez explicite-, – la suivante s’appelle « Reportage 3212-01 » elle contiendra les photos qui auront passé l’éditing de mon reportage et reprend les 6 premiers chiffres de la référence photo des images. Ça me permet de me rappeler par quel préfixe renommer mes photos quand je charge mes photos en plusieurs fois/sur plusieurs jours, – la troisième s’appelle « Sélection 15 » , en théorie c’est le top du top de mon éditing avec juste 15 images, dans la pratique, je suis obligée de choisir ces photos « assez vite » après le reportage pour pouvoir les mettre en galerie publiques sur mes archives en ligne, les montrer à ceux qui m’ont accueillie ou les diffuser sur mes réseaux sociaux. Et comme vous savez tous qu’un bon éditing prend du temps (pour pouvoir se mettre a distance de sa propre production notamment) il s’agit donc plutôt des photos que je retiens d’un reportage entre 0 et 48 heures après sa conclusion. Après avoir fait le tour de quelques dossiers, en général 2 mois plus tard je créée souvent un nouvel éditing « Best Of » sous forme de nouvelle collection qui reprend en moyenne 66% des photos de cette première sélection.
De cette façon, j’ai d’une part une architecture de dossiers sur Windows, chronologique et particulièrement austère, mais qui va m’assurer de pouvoir réaliser des sauvegardes de façon facilitée (et automatisée), et d’autre part une architecture de collections virtuelles sur Lightroom qui est aussi chronologique, mais qui est humainement compréhensible et me permet de retrouver en 3 clics toute la production/l’éditing/l’éditing resserré d’un reportage donné dans ma bibliothèque Lightroom. #LeBeurreEtLargentDuBeurre
Une architecture de dossiers sur Windows, simple à sauvegarder + une architecture de collections virtuelles sur Lightroom, facile pour travailler
Et je vous donne rendez-vous pour un prochain article pour évoquer la sauvegarde à proprement parler: des images uniques, des fichiers bien rangés, on a les prérequis nécessaires pour penser la sauvegarde ! #ToBeContinued
Un réglage technique, mais surtout une sacrée expérience pratique travaillée quelques années (et les centaines de photos ratées qui vont avec !) pour cette photo d’un hélicoptère EC665 Tigre de l’ALAT.
Un peu de contexte d’abord: cette photo est prise en Savoie pendant l’exercice Cerces 2018 organisé par les troupes de montagne. L’exercice dure une semaine environ, et il est l’occasion pour les soldats de montagne de travailler ensemble dans « leur » milieu, la montagne; la montagne enneigée qui plus est, parce que ça forge les hommes, et que ça fait de belles photo. A cette occasion, l’ALAT est de la partie, pour faire travailler les JTAC notamment. J’écris faire travailler, « faire souffrir » serait sans doute plus proche de la réalité puisqu’ils n’ont pas le choix et sont obligés de crapahuter pour atteindre les points hauts qui leur permettront de demander et contrôler les feux…
A la recherche de nouveaux angles pour mes photos, je décide ce matin-là de rejoindre ces soldats un peu particuliers que sont les Joint Tactical Air Controller, au sol et profondément « terriens » à ce titre, mais commandant les moyens aériens et leurs appui feux, à l’interface entre le sol et les airs, dans les boucles radio de part et d’autre de l’horizon donc. Je fais mes photos, et je m’apprête à redescendre quand un des JTAC, à l’écoute de la radio air me fait signe: dans quelques minutes un tigre passera « en bas » pour détruire ses cibles, il y a peut être moyen de faire de la belle image !
EXIF | Credit: Sandra Chenu Godefroy | Appareil: Canon EOS 5D Mark III | Date: 25/04/2018 | Focale: 400mm | ISO: 200 | Ouverture: ƒ/29 | Vitesse: 1/80s |
Pour faire cette belle image, il me faut changer d’objectif -vite- pour passer au 100-400mm et pouvoir le cadrer serré, je passe à 200 ISO en priorité vitesse aussi, pour éviter de me retrouver avec des vilaines pâles d’hélico figées dans le ciel, je me règle à 1/250s. J’ai encore un peu de temps, je suis au soleil, réchauffée et je me sens en forme, je vois le versant en face de nous à l’ombre avec ses rochers, le JTAC à l’air de penser que le pilote volera vraiment pas très haut et je choisis de descendre à 1/80s, ce qui est techniquement osé (on évite « par défaut » de descendre en dessous de 1/longueur focale pour éviter les flous de bougé). Bien réalisé, cela me permettra de faire un filé du tigre net sur un fond flouté, mais si je ne suis pas assez bonne, aucune de mes photos ne sera exploitable !! Je n’ai pas le temps de réfléchir, le tigre est déjà en fond de vallée: je contrôle ma respiration, le téléobjectif bien calé sur mon épaule, et je fais pivoter tout mon corps pour accompagner le mouvement de l’hélicoptère. C’est déjà fini !
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