Reporter-Photographe

Derrière les images

1/2 Comment se faire payer des photos volées sur le web ?

17/08/2017

Comme ça fait partie des questions qui reviennent très -très- régulièrement lors de discussions entre photographes, je vais me fendre d’un petit article de blog en deux parties pour vous proposer quelques solutions !
Se faire « voler » des photos c’est le parlé des photographes, en réalité, nos amis les juristes parlent de contrefaçon. Mais l’idée est la même: Au détour d’une navigation web, vous avez découvert qu’une entreprise utilise l’une de vos photos pour faire la promotion de son activité sans vous avoir ni payé ni même demandé l’autorisation !!
Je vous passe ensuite le mélange de fierté (on ne recopie que les « belles » photos, du moins c’est ce qu’on essaie de se dire) et d’agacement (je ne suis même pas crédité, WTF) doublé d’un coup d’oeil vers le frigo un peu vide (qui aurait pu être rempli plus correctement avec mettons, la vente d’une cession de droits en plus ce mois-ci) et quelques noms d’oiseaux…
Que faire ensuite ?

Faire constater avant d’agir

Alors vous vous rappelez vos cours d’école, ou les conseils des livres ou blogs de Joëlle Verbrugge ou Eric Delamarre: ne surtout pas contacter le contrefacteur (le margoulin qui s’est approprié votre travail) sans avoir au préalable fait réaliser une constatation par un huissier . Pour éviter que l’image ne disparaisse « comme par hasard » et avec elle, la possibilité d’être éventuellement un peu rémunéré.
Vous allez donc à la recherche d’un huissier, et c’est le drame ! Rien que pour envisager de commencer à faire vos démarches, le professionnel vous annonce le plus souvent un billet de 300Euros. En tant que photographe normalement constitué, vous êtes un peu fauché, et/ou n’avez absolument pas prévu ce type de dépense, alors que faire ?
Certains misent le tout pour le tout, font une capture d’écran sur leur ordi, et envoient leur facture au contrefacteur… qui si il est de bonne foi ou pas très bien conseillé par son juriste, pourra, peut être, se laisser aller à payer. Mais à compter sur la bonne foi des gens, on est bien souvent déçu!

Se faire payer ses photos avec la SAIF

Que faire alors ? Laisser tomber ?
Vient la première solution, à 15,24 Euros c’est la moins coûteuse: acheter une part sociale à la Saif.fr. Qu’est ce que la Saif ? Pour vous la faire courte, c’est une société d’auteur, comme il y en a pour les musicos (la fameuse Sacem que tout le monde connaît), il y en a aussi pour toutes sortes d’autres auteurs. Ceux de la SAIF, ce sont les gens de « l’image fixe », on y retrouve donc des photographes mais aussi, des illustrateurs, peintres etc.
Les société d’auteur ont plein d’avantages pour leurs membres, dont celui de leur permettre de toucher leur part de « droits collectifs » chaque année (parmi les droits collectifs il y a le droit à la copie privée, ou le prêt en bibliothèque… mais ça n’est pas le sujet).

Le service juridique de la SAIF

Mais ce n’est pas du tout cet aspect droits collectifs qui dans le cas présent nous intéresse: la SAIF est dotée d’un service juridique et de personnel assermenté.
En devenant membre de la SAIF, lorsque vous découvrez une photo utilisée par quelqu’un qui ne devrait pas, vous pouvez donc contacter le service juridique. Service qui, une fois votre affaire expliquée, charge l’un de ses personnels assermentés de faire une constation, puis lance les démarches auprès du contrefacteur.
Et la bonne nouvelle, c’est que ça ne vous coûte rien (mis à part la part sociale initiale, mais vous ne la payez qu’une seule fois et après vous êtes membre à vie!)

Comment la SAIF finance ce service alors ?

La SAIF prend en charge en totalité le financement des démarches, vous n’avez donc rien à payer, en revanche, si elle obtient un paiement de la part du contrefacteur (qui bizarrement est nettement plus enclin à vouloir régulariser sa situation qu’avec une simple capture d’écran) elle prélève pour ses frais 15% des sommes obtenues et reverse à l’auteur les 85% restants.

C’est trop génial, y a forcément un truc qui cloche ?!

Alors non, il n’y a rien qui cloche, mais quand on fait appel à la SAIF il faut savoir 2 choses: ce n’est pas vous qui fixez le tarif que vous estimez de votre préjudice puisque ce n’est pas votre grille de tarifs qui est appliquée mais celle de la SAIF (avec parfois de substancielles différences de tarif), et enfin… ça ne se fait pas du jour au lendemain: il faut souvent plusieurs mois, et les gens de la SAIF ont tendance à ne pas trop vous tenir au courant des avancées si vous ne les relancez pas régulièrement !

« LA » photo du 17eRGP sous la pluie contrefaite [Ref:4010-11-0547]

.

A titre d’information, quand France 2 avait eu la bonne idée de se servir malgré moi de ma photo de militaires sous la pluie au défilé 2010 pour illustrer leur journal spécial 14 juillet de 2016, j‘ai contacté la SAIF fin juillet 2016. France TV a un peu joué au con et fait traîner la procédure en arguant « qu’elle avait le droit à l’information » donc qu’elle ne voyait pas pourquoi payer… bien tenté, mais non 😉 Et je n’ai fini par être payée que fin juillet 2017 (4 mois après qu’on m’ait annoncé qu’une solution avait été trouvée avec le service juridique de France TV). La SAIF a estimé que cet usage devait être payé 494 Euros, et elle m’a reversé 420 Euros.

.

/// Pour adhérer à la SAIF – Société d’Auteurs de l’image Fixe
/// Pour s’inscrire à la newsletter de l’UPP

Sandra Chenu Godefroy, photographe indépendante

Sandra Chenu Godefroy

Photographe

Spécialisée dans les images de secours, défense, sécurité, et d’aéronautique. Fille sérieuse qui se prend pas au sérieux.

J’exploite honteusement Tigrou, mon assistant en peluche, et j’adore mon métier, même si c’est pas toujours facile !